Eva Jospin, vue de l’exposition Inside, Palais de Tokyo, 2014 (photo: André Morin).

Je le reconnais, j’aime bien ça, tomber nez à nez sur une Forêt d’Eva Jospin. Le matériau choisi : du carton qui, de loin, paraît être du bois, mais plus tendre, plus accessible ; sa façon de le traiter en profondeur, entre le trompe-l’œil de théâtre et le « pénétrable » à la Soto ; et surtout l’échelle que l’artiste a choisie, pas une taille réelle mais, disons, un taille écran de cinéma : tout cela fait que je m’y projette immédiatement.  C’est une forêt de conte et qui sait ce qui peut nous y arriver.

Le seul hic, c’est que, d’Eva Jospin, on ne voit que ça: en l’espace de quelques mois, les expositions Inside, au Palais de Tokyo, Miroir ô mon miroir, actuellement à l’Espace Baudoin, L’Arbre, le Bois, la Forêt, actuellement aussi au Centre d’art de Meymac.
Je m’étais un jour rendue dans l’atelier de l’artiste, c’était il y a six ans environ, et elle commençait sa série de Forêts. Depuis, celle-ci fait figure de pièce obligée: à l’exposition Gobelins par nature, au domaine de Chaumont sur Loire, au Musée de la Chasse et de la nature, … Depuis 2009, rien n’a bougé. C’est toujours la même pièce, à de minimes changements près de l’une à l’autre. Elle a certes aussi exposé des petits formats, qui sont des variations sur le même principe.

Cela, a priori, ne devrait rien enlever à la qualité de la pièce en elle-même. Simplement, quand on s’intéresse à l’art d’aujourd’hui, on ne considère pas seulement des œuvres singulières, hors de tout contexte, mais des œuvres qui s’inscrivent dans un temps ouvert et dans un mouvement (celui de l’histoire propre de l’artiste, de l’évolution de son travail et de l’art autour de lui). Et l’on doit obligatoirement tenir compte de ces questions fondamentales: comment sa pensée artistique se meut-elle, d’une œuvre à l’autre? Quelle histoire l’artiste raconte-t-il ? Que découvrons-nous en suivant, d’une exposition à l’autre, son cheminement ?
Or, à ces questions, je ne trouve aucune réponse intéressante dans les Forêts d’Eva Jospin. D’une « forêt » à une autre, rien ne bouge, en fait
Ou bien il faudrait que celles-ci relèvent d’un art assumé comme reproductible. Mais  cela n’aurait rien de cohérent avec le fait qu’elles jouent avec la  sensibilité et l’imaginaire.

La forêt: marque de fabrique de l’artiste, facilement identifiable, donc flatteuse pour tout le monde. Mais l’art n’a pas à être une marque de fabrique. Les œuvres ne sont pas censées être des signes de reconnaissance entre gens du métier ou collectionneurs (comme l’est CECI, par exemple, dont je reparlerai une prochaine fois).

La conclusion qui s’impose donc est la suivante : soit il faut que les commissaires d’expositions se décident à montrer d’autres œuvres d’Eva Jospin, soit il est temps qu’elle-même passe à une autre série.

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La publication a un commentaire

  1. Hadda

    J’ai trouvé cette pièce sympa quand je l’ai vu à l’expo Inside, mais bon c’est pas suffisant….le bois mystérieux peut devenir sec à force de répétition.

    Je te rejoins sur ta conclusion.

    et puis c’est un univers très visité qui est traité de manière plus mémorable par d’autres

    le risque est effectivement que ces œuvres deviennent des séries limitées qu’on retrouvera dans certaines boutiques de design.

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